Résurrection du blog endormi
Lieu : Forest Grove, Oregon,
chez moi
Humeur : détermination nocturne
Playlist: reprise de l'album Dark Side of the Moon des Pink Floyd par les
génialissimes Flaming Lips + Heligoland, le dernier album de Massive Attack
Chers.
Me voici au (re)commencement.
Le blanc de l'HTLM, le mouvement de mes mains, de mes doigts, les pressions que
ceux-ci, eux-mêmes commandés par d'autres impulsions électriques qui voyagent
le long de mes nerfs, exercent sur les touches de mon clavier, sont des choix.
Je pourrais écrire à peu près tout, à peu près n'importe quoi. Mais,
l'acte d'écriture est nécessairement une restriction de l'infini. Le langage
est une restriction de l'infini. Non, je me reprends, la communication est une
restriction de l'infini.
Le langage, lorsqu'il est poétique, est ouverture. La communication est
fermeture et précision puisqu'elle a pour but l'émission et la réception d'un
message.
Mais qu'en est-il de l'improvisation textuelle ? Des premiers soubresauts
de l'écriture, que l'on fabrique ou que l'on taille grossièrement ?
Est-ce l'échauffement de celui ou celle qui souhaitent écrire ? Les doigts
et les neurones font leur petit footing en sifflotant avant de passer aux
choses sérieuses.
Peut-être est-ce aussi le piège du joggeur du dimanche qui s'épuisera à
s'échauffer et rentrera chez lui avant d'avoir pris la "chose sérieuse "
à bras le corps.
Où s'arrêter et comment lorsque l'on commence ?
Prenons un exemple concret et ici métatextuel (en gros, moi qui écrit ce
texte qui traite de moi en train d'écrire... un jeu de miroirs qui, si vous ne
vous accrochez pas peut vous conduire à vous retrouver acteur principal d' une pub pour un analgésique effervescent mal
vieillie et qui a pour fond sonore une musique d'ascenseur, voire de film
interdit au moins de 16 ans, et un budget de production équivalent à celui du
budget culture d'un village Front National dans le sud-est).
Je, rédactrice intermittente de ce blog, me suis résolue à écrire quelque
chose, suite à plusieurs
argumentations-impulsions-raisons-demandes-(auto)suggestions-pressions internes
ou externes, permanentes, récurrentes ou ponctuelles.
Récemment, je me suis rendu compte que je dialoguais énormément avec moi même.
J'ai cette tendance à mettre en mot (comme une sorte de verbalisation
intérieure) mes raisonnements, mes pensées, mes idées, mes remarques, etc.
Peut-être est-ce pour cela qu'il m'est facile d'écrire, de produire des phrases,
ou d'improviser. Par exemple, si je pense au fait d'aller rendre mon livre à la
bibliothèque, je vais clairement entendre en moi "je vais aller à la
bibliothèque rendre mon livre » ou une phrase du genre qui sera, selon le
contexte, en anglais, en français ou en quelque chose entre les deux qu'il me
sera bien difficile à définir et expliquer clairement et que je nommerai volontiers
l’entrelangue.
Ainsi dans mon autodialogue je me dis souvent qu'il faut que j'écrive quelque
chose. La tendance la plus raisonnable et constructive me dicte de
reprendre le fil narratif du blog, de poursuivre là où je m'étais arrêtée et
ainsi tenir ma promesse d'auteur. C'est la tendance première que j'ai
affectueusement nommée Résolution du médiocre Cliffhanger.
L'autre tendance relève de l'arnacologie littéraire. C'est la
version dans laquelle moi et mes voix pondons quelque chose, une petite
cacahuète textuelle pour vous mettre en appétit, sans gros effort ni d'écriture
ni d'organisation narrative, mais suffisamment élaborée pour rendre mes
commères internes aphones et dilater vos pupilles de lecteurs en manque de mots
assez longtemps pour que vous ne mouriez pas d'inanition verbale ou pire...
vous mettiez à me détester.
Métatextuel... vous voyez un peu mieux ? Non ? Moi non plus, et puis
je m'essouffle.
Une pause musicale parce que l'improvisation, l'échauffement, le footing
littéraire du dimanche est en train de se transformer en contenu premier de ce
post, et j'ai besoin de reprendre mes esprits (si tant est que je retrouve mon
filet à esprits...) et de reposer mes muscles.
Aaah. Cela va mieux non ?
Il est fatigant de pianoter de digression en digression. L'esprit s'essouffle.
L'oxygène vient à manquer et on se voit contraint de rentrer chez soi épuisé,
médiocrement content d'avoir "pris un peu d'air pur " alors que
ce que l'on a réellement fait, c'est gesticuler à se rendre tout rouge et
précipiter un peu plus la crise d'arthrite (entropie du corps moderne) qui nous
menace de toute façon.
I) Paragraphe sérieux qui va au fond des choses réellement importantes.
Dans ce paragraphe, qui vous donnera l'illusion que je suis une auteure de
talent, proche de l'érudition absolue, et en constante recherche ontologique,
j'aborderai des questions philosophiques essentielles. Suivant un raisonnement
élaboré je citerai et critiquerai à la fois les grandes figures de la pensée
antique occidentale, mais également orientale, et les argumentaires les plus
sophistiqués de la sphère intellectuelle mondiale contemporaine. J'éveillerai en
vous des sentiments nouveaux et provoquerai votre esprit critique. Vous serez
engagés, tellement en(g)(r)agés qu'à votre tour vous sentirez le besoin
d'écrire des choses sérieuses qui vont vraiment au fond des choses. Ainsi,
vous écrirez à votre tour des paragraphes qui vous feront vous sentir
intelligents et à la pointe de ce qu'il se fait de mieux de nos jours dans la
pensée moderne. Bien évidemment, vous me citerez comme votre maître à penser et
unique source d'inspiration et cela vous contentera autant que moi.
Capture d'écran du
film "Pi" de Darren Aronofsky
Une ritournelle de questions me préoccupe l'esprit dernièrement.
Je ne suis pas sûre qu'ici soit le lieu approprié à l'exposition de ces questions,
mais à défaut d'autre chose, j'en profite.
Je suis en train de songer à écrire. Je travaille attentivement à une forme
plus élaborée et dense, qu'une suite de vagues élucubrations passablement
drôles et intéressantes sur un blog qui contient beaucoup trop d'adverbes et de
répétitions pour être pris au sérieux. Mais voilà, ma naïveté mêlée aux
attentes littéraires parfois utopistes, parfois pédantes que mon cursus
universitaire à créé en moi font que je suis bloquée. Tout est un vaste miasme
informel. Je suis incapable d'élaborer une trame narrative la plus simple qui
soit. Mes personnages sont encore ce qui parait le plus consistant et semble
fonctionner le mieux. Je sens qu'il me faut une tension pour faire avancer le schmilblick,
mais chaque fois que je m'essaye à une nouvelle stratégie, que je tente de
développer une nouvelle idée ou même simplement, de connecter deux éléments
entre eux, je m'autocensure à grand coup de "C'est nul!", "C'est
du Star Club", "Ca a déjà été fait mille fois, et mille fois mieux
que toi. " Et finalement, je n'écris rien. Alors, comment m'y prendre
docteur ? Car je dois écrire, je le sais. C'est d'ailleurs la seule
certitude que j'ai. Mais ne vous méprenez pas sur mes intentions, cette
certitude est loin d'être qualitative ! Je ne dois pas écrire parce que je
suis plus ou moins bonne sur une quelconque échelle qualitative de la
production écrite (qui serait de toute façon stupide !). Je dois écrire
parce que cela fait sens en moi. Cela enclenche mes rouages.
J'essaye d'aborder transversalement la question de l'écriture et de ce que j'ai
envie d'appeler, avec sûrement beaucoup de prétention et de manière fort
pompeuse, la culpabilité de l'être écrivant. Et pour cela je lis ce que
ceux qui ont déjà écrit ont à dire sur le sujet. La plupart d'entre eux sont
déjà morts. Il semble plus facile d'avoir des choses à dire, et de les dire
avec du recul quand on est mort.
Note à moi-même : Bien que ce que tu viens de dire sur la mort, le
recul, et l'objectivité est plein d'esprit, d'humour, etc., n'oublie pas
d'écrire et de dire des choses avant de mourir... Parce que malheureusement, le
silence et le vide pre-mortem, restent silence et vide post-mortem...
Trêve de plaisanterie, revenons à nos tricots, je lis. En ce moment, je lis des
essais de jeunesse et plus tard de Jorge Luis Borges publiés en 2010 chez
Penguin Books dans une traduction de Suzanne Jill Levine sous le titre de On
Writing .
C'est un bouquin que j'ai acheté un peu au hasard cet été, alors que je flânais
à City Lights,
la librairie de Lawrence Ferlinghetti à San Francisco. Inspirée par le cachet
du lieu et ce qu'il représente, je me suis senti l'âme d'un Paul Auster à
Brooklyn, prête à tapoter l'oeuvre du
siècle sur les touches de ma machine à écrire à écran. Mais dans mes rêveries débridées, j'ai tout de même gardé la pointe
d'un ongle d'orteil sur Terre et me suis dit qu'il ne serait pas mal de me
documenter un tantinet sur c'estquoidoncbonsangêtreécrivainetécriredesbouquins
...
Achat non regretté.
J'en ai écrit des choses, ce soir. Et Itunes m'indique que j'ai écouté les deux
albums de ma playlist 3 fois. Il est donc temps pour moi de m'abandonner à mon
inconscient et laisser les petites secrétaires de mon cerveau ranger ma tête et
tout remettre en ordre.
Je n'ai toujours pas résolu mon médiocre Cliffangher... Cela viendra.
À bientôt, mes [mot gentil et flatteur qui séduira tout un chacun et laissera
au lecteur un sentiment de bien-être].
Sarah