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A demi mondes

25 janvier 2013

lettre de mon être léger à mon moi décoincé

Bienvenus en 2013, je vous souhaite à tous une excellente année, pleine de vie et de vous.  Non, ce n’est pas trop tard pour vous souhaiter la bonne année! En France il est possible de présenter ses vœux jusqu’au 31 janvier. Mais comme je suis une fille du sud et qu’être en retard, chez nous, c’est presque une coutume, je n’ai aucun scrupule à vous souhaiter une bonne année mi-février! 2013, une nouvelle année, un nouveau cycle de vie, de grands ou de petits changements. En tout cas, pour moi ma résolution est d’arrêter de stagner dans les eaux marécageuses et nauséabondes du perfectionnisme chronique. Après tout, on n’a pas survécu à l’Apocalypse Maya pour rien. Par les temps qui courent (mais qui avaient arrêté de cavaler depuis quelques temps) j’ai pris la décision de vivre et aller de l’avant! Oust, la sorcière intérieure et ses chuchotements accusateurs! Du balai, le tribunal des idées reçues ! (le Judgmental Commitee qu’ils disent les Américains.) En janvier, on commence le grand nettoyage de printemps, alors pour cela j’ai invoqué mon “moi” du futur. Vous savez, celle aux yeux rieurs qui s’esclaffe à tout bout de champ et comprend bien des choses sans se prendre la tête et s’arracher les cheveux à en devenir chauve. Celle que mon petit doigt a baptisé l’être-léger-et-non-plus-insoutenable. (Kundera, désolé, tu t’es trompé en long en large et en travers.) On fait le ménage et donc, bye bye existentialisme, pessimisme et idées noires. Mon être léger vous remercie à grands coups de coups de pieds aux fesses!

Voici la belle lettre qu’elle m’a écrite et que j’ai reçu grâce aux services de la Poste Mortème:

 

Chère toi,

Cela fait maintenant presque trois ans que tu habites dans l’Oregon, à l’autre bout de ton demi-monde. Tu n’as pas vu le sol de ta mère patrie depuis deux ans. Ni celui de chez ta mère, d’ailleurs. Tu es arrivée à Pacific University, Forest Grove fin Août 2010 après avoir reçu une bourse Fulbright en tant que Foreign Language Teaching Assistant. A cette époque, tu venais de finir un Master en traduction littéraire à l’Université d’Avignon, en France et tu ne savais pas exactement ce que tu voulais faire après ça.

Tu as donc sauté sur l’opportunité offerte par Fullbright de renouveler ton expérience Américaine. Après un an dans l’Oregon, un peu par choix, un peu par défaut, tu as décidé d’y prolonger ton séjour et de faire un deuxième Master, en Littérature Française, cette fois. Lorsque tu étais étudiante de licence (l’équivalent d’un B.A) à Avignon, il t’a fallu beaucoup de temps et de réflexion pour choisir entre une formation professionnalisant (la traduction professionnelle) et la recherche littéraire. Même après avoir obtenu ton diplôme de traduction, cette envie de faire de la recherche ne t’a pas quittée.

A PSU, tu as commencé à jouer avec le théorique et à écrire des papiers pointus de manière régulière. Tu as aussi enseigné le français et suivi beaucoup de séminaires sur l’enseignement des langues et la pédagogie. Il t’a fallu un an entier dans le programme de M.A pour être complètement sûre que la recherche et les études théoriques, ça n’est pas pour toi et c’est pas grave.

Tu as passé plus de 20 ans dans le système scolaire, à être une (plus ou moins) bonne étudiante, pour finalement te rendre compte que le monde en dehors de l’école n’est pas si effrayant et bien au contraire, qu’il est souvent libérateur. Aujourd’hui, à moins de 20 semaines de la cérémonie de remise de diplômes, tu te dis que si tu as passé tant de temps à faire des études supérieures, c’est parce que tu te sentais inférieure. C’était par peur d’aller vraiment jouer dans la cour des grands. Tu étais pétrifiée d’entrer dans un monde où il faudrait prendre tes propres décisions, où il faudrait aller de l’avant un peu à l’aveuglette, sans filet de sécurité. Tu avais tellement peur que tous tes faits et gestes aient un impact permanent et irréversible sur ta vie! En gros, tu avais peur d’être coincée. Que la vie est ironique! Car, par crainte de te retrouver “coincée” dans une carrière insatisfaisante et non-épanouissante, tu t’es recluse dans une carrière d’étudiante professionnelle, avec des possibilités limitées d’épanouissement et de satisfaction.

Tu as repoussé le moment de ta stabilité financière, mise à mal ta santé mentale, mis de côté tes projets d’écriture en cours et à venir, oublié combien tu es créative, vivante et passionnée.

Ta génération de la fin de l’alphabet s’oublie dans l’entre-deux, elle cherche midi à quatorze heure. Ta génération fait le grand écart entre ce qu’on lui demande de faire et ce qu’il lui est possible de faire, en oubliant d’être, au passage. En Français, “être” et “faire” sont des verbes irréguliers, imprédictibles. Lorsqu’on les conjugue, ils agissent comme ils le font à cause de leur histoire et leur environnement. Ils ne font pas ce qu’on attend d’eux et ça ne change rien à leur importance. Etre et faire sont des verbes essentiels et bordéliques. Comme toi. Comme tes compères, commères autres cons générationnels.

Et toi! Arrête de faire le grand écart, tu n’as jamais été douée pour la gymnastique. Embrasse, plutôt. Embrasse tes trois pays et leur richesse, la France, le Maroc et les Etats-Unis. Embrasse ce que tu as appris et continue d’apprendre, mais rappelle-toi qu’on n’apprend jamais rien par obligation. Avance! en rampant, en pas chassés, à cloche pieds, sur les mains, en trottinant ou en courant, mais avance. Ne t’arrête pas. Ne recule pas. Ne te demande pas pourquoi, ni comment on marche. C’est instinctif maintenant. Tu l’as appris, en tombant certes, mais avec beaucoup de joie et de fierté dans l’œil de ceux qui t’aiment.

Ces années, comme les prochaines et celles qui te restent à vivre sont les plus belles, parce qu’elles sont là à t’attendre.

A toi de jouer maintenant,

Bien à toi, ton E.L.

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15 mars 2012

Aveux et Plans

Salut jeunes parsemés.

 

Je vous ai jamais dit que j'ai été fan de Mylène Farmer à une époque?

A 6 ans je fredonnais "Désenchantés" en sautillant dans la cour d'école. A 7 et demi je chantais "Je, je suis libertine, je suis une catin" sans vraiment savoir ce que je disais... Sauf que je le chantais à tue-tête et à répétition. Ah l'enfance, insouciante et ininformée.

Mais que faisaient mes parents? Piètres censeurs, ces chers géniteurs. Juste assez pour me donner le goût du risque et de la transgression des choses qui ne servent à rien. Très 1990's, quoi.

 

Mon trimestre de cours touche à sa fin et, comme annoncé y'a-pas-si-longtemps, j'écris un papier sur Houellebecq, La possibilité d'une île, les mecs en crise et la crise des mecs, puis un sur Echenoz et pourquoi le suspense reste possible dans une parodie de roman policier avec un narrateur trouble-fête au sens de l'humour post-moderne (pfiou) ... tout ça en 25 pages et avant jeudi bien sûr... ET je suis à vous.

 

Chose classique, je ne pense jamais tant à quel point j'aime écrire et traduire que quand  je n'écris pas ou ne traduis pas comme je veux.

Ne vous détrompez point damoiZeaux et -zelles. J'écris! Mais j'écris du formaté, du commandé, de l'ordoné et de l'académique. Je sème ma route universitaires de petits papiers-ponts et de passages bibliographiés jusqu'au beau moi mois de Juin où je jèterai en l'air un chapeau matérialisé grâce à un alliage d'onirisme et de volonté, et serai officiellement détentrice de deux Masters. (Il sera dès lors nécessaire de m'appeler Double Maitre ou Maitre-Maitre ou hahaha Maître²)

En attendant, j'ai toujours l'intention d'avoir fini un premier jet de mon roman d'ici la fin de l'été, même si ce dernier doit s'en tenir à 43 pages. (haha. Un plan à la Sarah, dirait mon Âmi Brubru).

Mais j'ai un autre projet là qui brûle, enfin, frémit, à feu doux et vif en même temps -- Ah au fait, si mes paradoxes vous énervent, je suis sûre que Madame Plath (Sylvia) sera ravie de vous donner son point de vue à ce sujet ("If neurotic is wanting two mutually exclusive things at one and the same time, then I'm neurotic as hell. I'll be flying back and forth between one mutually exclusive thing and another for the rest of my days. " The Bell Jar, chapt 7, 1963)

Mon projet en deux mots: écriture - traduction. (démerdez-vous avec ça)

 

Sans blague. Je suis en train d'essayer d'intégrer un séminaire de Creative Writing à ma fac PSU (Portland State University). C'est tout en anglais et mené par une écrivaine dont je suis déjà amoureuse. (Batteuse dans un groupe de Post-Punk. A publié un roman et une collection de nouvelles que je m'apprète à lire, bientôt, sous peu. Ressemble à Daria.)

Pour ce, j'ai dû soumettre un extrait de ce que j'écris au département d'anglais/ creative writing. Comme je n'avais pas grand chose de potable en anglais, j'ai travaillé à une traduction de ma nouvelle Sednopita-La solitude du milieu du monde... que j'ai envoyée aujourd'hui même!

Alors je croise les doigts fort fort fort.

Mon plan, si j'intègre le séminaire, est de parfaire et acquérir certaines techniques d'écriture, mais surtout de m'armer d'un programme un peu plus clair que le fouilli d'autofiction et de blagues pas nettes qui m'hérisse de joie à chaque fois que j'entre dans une transe jubilatoire d'écriture. ça c'est le bénéfique sur le long-terme.

L'autre idée, un peu folle ûrement, et que ce que j'aimerais faire par dessus tout, alors que j'écris ce roman, est de m'auto-traduire (ce qui glissera sûrement vers un travail collaboratif), et ainsi entammer un travail d'écriture-traduction faisant dialoguer deux textes, dans deux langues différentes, le tout chapeauté par un réflexion plus universitaire et théorique. En résumé j'écris A en français,  A devient B lorsque je l'ai traduit en anglais. Dès lors, A et B s'influent et s'enrichissent dynamiquement.  Pendant ce temps (ou peut-être après ce temps), C s'intéresse à ce que je fais avec A et B et recontextualise l'expérience dans le cadre de recherches en traductologie et de théories de la traduction. Got it?

Voilà pour l'update, donc. Je vous tiendrais au courant de l'avancée du shmilblick. En passant, une autre classe que je vais suivre c'est un cours d'ECOCRITIQUE dans le département d'anglais. Ca promet. J'ai vraiment hâte.

Morale de l'histoire: les plans à la Sarah ne rentrent jamais vraiment dans aucun cadre, sont toujours "over the top" et un peu passionants!

10 mars 2012

Ca arrive!

Salut la foule (hahaha).

 

Ca arrive, c'est sur le feu.

J'écris un papier sur Houellebecq et un sur Echenoz et je suis à vous.

 

En attendant:

 

must write

6 février 2012

La Reine Absurde (suite suite)

Salut à tous! Bon, Comme vous ne le savez peut-être pas, (malgré mes nombreux hurlements virtuels pour vous dire que J'ECRIS!!!) j'écris en relative abondance ces derniers temps. Les trames se clarifient, je vois plus ou moins où ça risque d'aller, mais malheureusement/ heureusement il y a encore bien de l'ouvrage mes ptits vieux. En attendant, je vous donne à lire mes palimpsestes et mon fouilli, petit bout par petit bout.

Donc. Si vous voulez la scène juste avant celle que vous vous apprêtez à lire c'est là, l'épisode de l'oeuf dur.

Désolé du cafouillage et de l'antilinéarité de votre lecture, je vous promets que tôt ou tard je ferai le ménage dand mon blog.

En attendant, je lis lis lis, j'écris, j'écris, j'écris et ça me plait.


Continuez de ne pas vous moucher dans des torchons, on est des gens biens, ici.


Bien cérémonieusement,


S.


.     .     .

… je tire un coup sur mon bonnet. Fait froid. Le vent fait pas semblant ce soir. Je pense aux petites fesses rondes de T. Pense à ma mutilation surprise au dessous de la pommette.
J’allume une Camel.
Comment est-ce que je vais me démerder pour effacer ce truc ?
Mon problème c’est que j’ai une gueule d’ange à qui on donnerait le Bon Dieu sans concession. J’ai développé une adaptabilité caméléonesque dans l’art de masquer mon don pour getting in trouble.
-Hey salut Shay ! Ca va ?
- Ah ouai! Salut.


CASE


Je tire sur ma clope et continue ma route. Aucune idée de qui est en train de me parler . Mec entre 17 et 33 ans. Il est pas mal. Ressemble à la plupart des mecs de Sanf entre 17 et 33 ans. Dans leur volonté d’originalité/de s’en contrefoutre, les humains de ma génération ont fini par tous se ressembler. On est un creuset d’interchangeables. Idées interchangeables, goûts interchangeables, modes d’expression interchangeables, discours interchangeables, phases de l’existence interchangeables. Finalement, ‘z’ont pas fait un sale boulot de programmation. On se croit suffisamment uniques pour pas s’entre-bouffer et suffisamment-similaires pour pas s’entre bouffer non plus. Et c’est quand un des “individus” penche un peu trop d’un côté de la balance que ça commence à faire des étincelles et du gloubiboulga. Seulement une certaine zone du continuum unique/similaire est habitable. Un peu trop à gauche, un peu trop à droite et c’est bienvenu dans le Livre de la Jungle ! Mais moi je pense  que le problème c’est pas nous. C’est le continuum. Si on y réfléchit. Les vrais gens bien, Nabokov, Bukowski, Radiohead, Woolf, Allen, ce sont ceux qui ont foutu le feu au continuum. Qui ont dit MERDE au continuum. Qui ont passé un coup de Mr Propre sur le continuum. Qui s’en sont moqué, qui ont envoyé valsé les trucs en tocs et les cages dorées du continuum. Et qui ne s’emmerde pas à jouer à un jeu de mikado ridicule entre unicité et ressemblance . It’s them who don’t think the same.


J’arrive pas à croire qu’il fasse si froid.


La carte de France, bon dieu. C’est pas comme si j’étais parti à la dérive sur les eaux du Mississipi avec un baluchon et quelques idées racistes pour bagage. Je suis partie parce que je suis l’élite d’une nation qui ne veut pas de son élite. Y’avait trop de cases et je me suis épuisée à essayer de rentrer dans toutes, alors que vraiment je n’appartenais à aucune. Et donc me voilà en plein mois d’août, affamée, emmitouflée, tatouée et très probablement déshydratée, sur la côte ouest américaine, ignare de ce que je cherche, mais bien consciente de ce que j’ai fui. J’ai 26 ans. Pour beaucoup d’entre ceux qui ont trouvé leur case, c’est vieux. Pour les autres, les décasés, ça n’a pas grande signification.


Entre casé et décasé, ce sont deux systèmes de pensée qui s’affrontent. Le casé regarde le décasé et il pense en terme de « sans ».


Sans conjoint. Sans meubles Ikéa. Sans 206. Sans points retraite. Sans complémentaire santé. Sans congés payés. Sans RTT. Sans opinion politique. Sans responsabilité civique. Sans congé parental. Sans joie d’être parents. Sans siège-auto. Sans, sans, sans.


Le décasé ne peut penser le casé que comme un être qui réveille l’« avec »: en lui.

Avec un léger dégoût pour la mécanique grise de son existence. Avec révolte contre son incapacité à prendre conscience de la machine dans laquelle il est pris. Avec démesure et lucidité dans son entreprise de ne jamais passer dans le clan des casés.


Et moi, ma case de décasée c’est celle exaltante et absurde de la dépaysée.


Bref. Tout ça, c’est loin d’être facile. Ma vie de débauche et de clichés c’est comme un mini-ring ou je m’esquive, me flanque des crochets maladroits, des droites bien senties et parfois même me fout k.o.  Et quand je suis k.o, je finis avec la France tatouée sur la joue, comme le nez au beau milieu de la figure de style. Littéralement.

Je sais pas combien de blocs j’ai parcourus comme ça, mais j’ai toujours la dalle et que je suis à court de cigarettes.


Ding-dong. Corner store typique. Tellement typique que, comme partout sur la planète, cette épicerie du coin n’est absolument pas bâtie dans le coin de quoi que ce soit. C’est juste une devanture entre deux autres, comme partout sur la planète. Sauf qu’ici les Arabes sont Mexicains. Haha.


Ma première décision c’est de l’eau vitaminée vitamin water. La couleur des bouteilles me fait presque triper. Ce con de Warhol n’avait pas tellement tort. Ses formes et ses couleurs. Ses reproductions massives ou décalées. Autant de boîtes de soupes à la tomate. Autant de bouteilles de vitamin water. J’opte pour une violette.


Sur l’étiquette : Fruit. Punch. Revive.


Vendu. Le truc est probablement si chimique qu’il pourrait, effectivement, reviver un mort…
reviver… ça me rappelle quand j’avais quatorze, ou seize ans et que je fréquentais à tour de rôle cour d’école et télévision, la vague d’humoristes et de journalistes sérieux qui s’en étaient pris à Jean-Claude Vandamme et ses anglicismes… Quand je rentre au pays, on me trouve un drôle d’air et ma syntaxe fait rigoler la ménagère. Personne ne comprend que mes anglicismes sont un enrichissement. Que la langue française est si sclérosée, stagnante qu’elle en devient puante et marécageuse. Mes anglicismes qui font rigoler la ménagère sont une expérience augmentée de la langue. C’est un télescopage poétique de mes deux demi-mondes. C’est mon pouvoir absurde de pouvoir tisser deux langues et leurs mondes entre elles et de toucher du bout du doigt le sacré de la parole…
Faut que je bouffe quelque chose. L’arabe-mexicain du coin calé entre deux façades vend aussi des nouilles chinoises à emporter.  

TAKE-OUT.


Apparemment quand je marche on dirait que je cours. Mes translations corporelles d’un lieu à l’autre se doivent d’être rapides et présentes. Une nana un peu barge, intervenante en théâtre, qui avait le Stanislavski qui lui titillait la glotte, m’a appris, la dernière année des années quatre-vingt-dix, ce qu’est le charisme. Le charisme c’est pouvoir marcher en ligne droite au milieu d’une foule, sans s’excuser, ni pousser les êtres autour de soi.
Depuis que madame Stanislavski m’a dévoilé sa théorie, je n’ai pas mis longtemps à comprendre l’essence même du charisme. Le charisme : c’est marcher vite. (Même quand on ne marche pas.)
Si on marche vite, c’est qu’on a quelque part où aller, que quelqu’un nous attend quelque part, qu’à chaque instant, on se trouve au milieu de deux lieux. Celui où l’on est et celui où l’on va être.
Marcher vite c’est être quelqu’un, exister. Cela n’a absolument rien à voir avec une question de vitesse. Absolument.
La seule raison pour laquelle j’existe, moi, c’est parce que quand je marche on dirait que je cours. Sans ça, je ne suis rien.

J’ai deux problèmes dans la vie.
-    J’ai des voix dans la tête.
-    J’ai largué les amarres.


À cause de ça, je me raconte des histoires. En permanence. Cela a commencé depuis toute petite. Le monde ne me convenait pas, alors je prenais des libertés avec lui. Bien sûr les adultes responsables autour de moi ont essayé de m’inculquer une éducation, des manières et des valeurs. Je n’ai pris que ce qui m’arrangeait.
Très tôt, je me suis inventé une vie et l’ai clamée sur la place publique. J’étais l’aède de la cour d’école, comme un petit vampire de cinq ans assoiffée de reconnaissance et de gloire.
Bien sûr, rien de ce que je raconte(ais) n’était vrai. Mais c’était toujours suffisamment vraisemblable pour que je sois une sorte de working class hero.
Alors, à force de me raconter des histoires j’ai continué, et les voix s’en sont donné à cœur joie.
Ma relation d’illusion - désillusion vis-à-vis de moi-même c’est entre toboggan et dents-de « si ». Et aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu, dans mes poches, au fond de la tête et sur le bout de la langue, des demi-mondes peuplés de MOI et mes clones qui s’activaient à donner du sens à ce monde édenté.

 

Tara doit être en train de s’amuser. Je me sens creuse ce soir. Il s’est encore passé quelque chose de bizarre. Encore un coup de H dans ma vie.  H c’est une de mes plus belles et affreuses histoires. Un de mes chefs-d'œuvre d’imagination qui me fait frémir de vie et de mort chaque fois qu’il fait un happening dans mes songes.
H c’était coffee and cigarettes. Philo à quatre heures quarante-huit du matin. Crises existentielles entre deux oreillers parce le cœur a ses raisons que mes histoires embrouillent. Beat and Punk. Littérature et Fiction. Sushi & London. X& Y.
 H, c’est mon expérience la plus physique et sourde d’un morceau d’Explosions in the Sky. H, c’est mon éloge de la folie. H, c’est mon effet de style qui stoppe NET

 

 

 

 

 





    et là il faut se relever, recommencer pas à pas


chasser le chagrin, accepter la fin de l’album, la dissolution


du groupe, les carrières individuelles de chacun, les albums solo, brillants pour certains, inachevés pour d’autres, les envie de mourir


de ne plus croire en sa basse, en son synthé, en sa veste à paillette et ses rails de coke
pré-tracés dans la loge, à côté du panier de fruits et des chaussettes propres d’après le show.



H. C’est mon histoire. D’amour ? actually...

 

.     .     .

 


Le problème avec le tatouage c’est que je ne pas comment m’y prendre pour l’enlever.


Le problème avec le tatouage c’est que je n’ai aucune idée des conditions dans lesquelles il a été fait.


Probablement les meilleures conditions d’hygiène, et une maturation du projet artistique certaine. Cela ne fait aucun doute. Probablement par un artiste de talent. Ça ne fait aucun doute.
Il faut que je vérifie si j’ai payé pour ça.
Il faut que je pense à ma prochaine étape.



La soupe a un fort goût d’olive ce qui me fait rire. Je me suis installée au mini-comptoir de la supérette, à l’abri du vent, des SDF, des brigades anti œuf-durs. C’est la première fois que je mange une soupe chinoise goût olive. C’est pas dégueulasse et ça ajoute une petite note d’ironie tragique à ma déconvenue géographique faciale. Comme une bouffée de Provence, en bouche, absurde, tenace et nourrissante. La soupe me rassérénère, m’attrape par la cheville et me fait redescendre sur terre. J’ai envie d’engager la conversation … j’avais envie de dire bonjour à n’importe qui … n’importe qui, et ce fut … le mec qui m’a servi la soupe minestrone-chinoise, et je lui ai dit n’importe quoi … on n’a pas chanté, on n’a pas dansé et on a certainement pas pensé à s’embrasser !


Un autre épisode. Un peu plus au nord. Un bon moment plus tard.


Je pense que le groupe va être bon ce soir. T et moi nous sommes parées de nos plus belles loques. Elle est ravissante. Je suis… émerveillée par sa présence, mais il m’est difficile de m’approprier la mienne. Quand il s’agit du corps et de ses multiples représentations, j’ai du mal à ne pas osciller. Du tout au tout, je suis, ou bien la plus belle et la plus désirable, ou alors la pire des fraudes, l’indésirable, l’ennuyeuse. Celle qui ferait souhaiter à n’importe qui du sexe masculin la dissolution de sa courbe oculaire, tellement je suis riche en platitudes. Ce soir je suis belle, parce que T. est belle et que dans le monde où nous vivons, il est impossible qu’une fille si belle puisse s’acoquiner avec une moins que rien. Je suis belle donc, et ça se sent. Ma certitude nocturne, boostée au mascara ultra-long et  au gin and tonic, me fait bouillonner le charisme et j’investis les lieux à coups de rouge lippu, d’éclats de rire qui tintent l’air d’une fraîcheur garce et champêtre, et de grands gestes dramatiques.


On est dans une petite salle de concert, bourrée de monde, et un groupe local de bluegrass s’apprête à faire vendre des micro-bières organic au patron et nous faire taper de la santiag. Ils sont trois, dans leur accoutrement de vingtaine bûcheronne exigé des jeunes hommes du début de nos années 10. Au moins deux d’entre eux ont barbe et/ou moustache, ainsi qu’une pinte de bière aux arômes subtils de café, clous de girofles, trèfle à quatre feuilles, tomate cerise et quelque chose comme Dieu, là aux pieds de leurs instruments. A leurs pieds à eux, 6 unités de chaussures de randonnée, de couleurs, tailles et densités de boue variables, et une bonne quantité de nombrils, couverts eux aussi de l’unanime chemise de bucheron. Je papillonne, boit mon troisième gin and tonic à la paille, souris, touches les épaulesviriles autour de moi et je taquine, coquine, la masculinité qui m’entoure. Je suis pompette et quand je suis pompette, comme par un paradoxe intellectuel, ou peut-être simplement pour pallier la défaillance momentanée de mes fonctions analytiques, je ressens le besoin primaire de débattre de sujets philosophiques avancés. Alors que j’essaie d’exposer ma vision anti-saussurienne du langage et des vertus communicatives du langage à un gars mal à l’aise à qui je ne plait probablement même pas, et qui est juste là pour écouter un peu de musique et pour une bière dans son bar préféré, un type s’approche et entre dans mon monologue.


       -    …donc tu vois, si on pense le langage comme la seule structure qui nous permet d’or-ga-ni-ser notre    magma de pensée et de l’extérioriser, ça présuppose que rien ne nous est possible en dehors du langage ! Et ça tu vois, j’arrive pas du tout à le concevoir, c’est comme si par exemple tu prenais un oiseau dans une cage … L’oiseau tu vois, il …
       -    … excuse-moi, je n’ai pas pu m’empêcher de t’écouter parler, de regarder tes mains, et de sentir ton intensité. Tu es tellement belle… Mais ah, oh, désolée, je ne voulais pas t’interrompre, tu parlais de Saussure, c’est ça ? Ah le langage ! Ahah. Quel vaste sujet.
       -    …
Je suis pompette, joyeuse et j’aime tout le monde. Son intervention me flatte. Ses commentaires encore plus. J’esquisse un demi-sourire, je finis mon verre et je dis
        -    … Ahah, j’ai fini mon gin and tonic. Apparemment leur vin est super bon! J’ai entendu des merveilles du pinot noir de l’Oregon. C’est vrai ? Tu comprends je suis française, alors j’ai grandis dans la tradition du bon vin.  C’est naturel chez moi. Je suis une œnologue de naissance, sauf que moi, j’avale ! Ahah


Pour parfaire mon intervention, je relève légèrement le menton, secoue la tête, lève les yeux au ciel et lui touche l’épaule. Il me commande immédiatement un verre de vin.


       -    Oh, merci ! C’est tellement gentil. Il ne fallait pas ! Je te paye le suivant !


Je lui touche à nouveau l’épaule et lui dit que je reviens dans un instant. Je pars à la recherche de T. J’ai envie d’une cigarette, et j’ai envie de la voir. Je l’aime tellement. Elle me rend belle et exotique. Je la trouve sur une banquette un peu en retrait de la scène, au beau milieu de ce qui m’a l’air d’un groupe hétéroclite d’habitués. Elle est en train de raconter une histoire et les hommes qui l’écoutent sont vraisemblablement ravis de l’expérience audiovisuelle que leur offre la petite blonde à l’accent australien. Ils rient aux éclats, elle fait semblant de se fâcher et faire la moue, mais ne tarde pas à prendre part à l’euphorie de sa clique nouvellement constituée. Elle m’aperçoit, se lève et m’attrape la main.


      -Guyyyyyyyys ! This is Shay ! On s’est rencontrées à S.F !


Je serre la main des acolytes du moment de T, à grands coups de nicetomeetyous et de sourires ravageurs. Mais j’ai envie de fumer une cigarette, pas de faire des mondanités :


       -Hey T., t’as envie d’une clope ? J’y vais.
       -  Oh non, ça va. J’irais à la prochaine.


On se sourit, je sors, une clope pas encore allumée entre mes lèvres rouges London.
Je n’ai stratégiquement pas de feu, sauf que personne n’est à l’extérieur. Je cherche sans grande conviction dans mon sac, plonge le nez dans mes affaires et farfouille. Rien. Je relève la tête et attrape la poignée de la porte, qui s’ouvre sans même que je ne la presse.


Le type du vin rouge est là. Pas vraiment grand, typé irlandais ou belge. Mais petit. Il porte une parka grise, une chemise noire avec une cravate noire. Assez élégant, bien que je pressente que ce n’est pas là sont habit de prédilection. Sans vraiment en posséder aucun des signes distinctifs, si ce n’est peut-être la coupe de cheveux, il a l’air d’un individu radical. Le genre de gars qui a passé les trois premières années de sa majorité, si ce n’est pas avant, à vivre dans une communauté hippie, un squat ou une roulotte, à explorer, selon le continent, les grands parcs nationaux, les réserves natives américaines, la Moldavie occidentale ou Lettonie. Il y a quelque chose dans ses yeux. Une profondeur un peu cruelle. Mais ses joues sont roses et ses lèvres pleines et brillantes. Il me sourit. Je l’aime instantanément.


         -Ah ! Salut monsieur vin rouge ! Tu me suis à la trace, à ce que je vois… Impressionnant.
         - Non, je venais juste fumer une cigarette.
         - Tiens, moi aussi, mais je n’ai pas de feu.


Il m’allume, je l’allume. Échange de bons procédés. Nous fumons.
Il me touche l’épaule lui aussi :


         -    Edward.
         -    Shay.
         -    C’est ton vrai prénom, Shay ?
         -    Non.
         -    Tu viens ici souvent ?
         -    Non. Et toi ?
         -    Je vis juste à côté.
         -    Ahah. On va chez toi ?
         -    Je suis marié (il sourit).
         -    Ah.
         -    Oui. Je suis marié et j’ai trois enfants. Deux, quatre et six ans. Mais on va chez toi, si tu veux.
         -    Non.
         -    Pourquoi ?
         -    Parce que tu es marié. Je ne voudrais blesser personne. Pas piétiner le sacré.
         -    Je vis dans une union libre. Ma femme a un petit-ami. Moi, non. Qu’est-ce qui t’amène par ici Shay ?J’ai écouté ce que tu avais à dire sur le langage, tu sais. Sur Saussure. J’ai sursauté de ta profondeur. Elle est bien plus belle et intense que ton rouge London et ton rire cristallin.

 


Je suis estomaquée. Interloquée. Dumbfound. Je ne sais pas quoi dire alors je fume, je me perds dans le silence, dans ses yeux. Je le laisse embrasser mon âme, mes profondeurs. Je le laisse caresser mes abymes et me dire sans mots l’éternel en moi.


Nous fumons, en silence. Dans la fraîcheur mouillée de cette première nuit à Portlandia. Le concert a commencé, les cris de joie et de soutien au groupe se font entendre, étouffés par la lourde porte de bois et les doubles vitrages. Mais j’allume, en silence, une deuxième cigarette. Lui aussi. Il me prend la main et m’emmène marcher. Je me laisse faire. Je ne crains rien. Je ne parle pas, je ne pense pas. Impressionnée par cette promenade lunaire avec un inconnu. Songe d’une nuit d’automne. Notre silence nous fait frôler l’ineffable, annule tous les gin and tonic, éteint mes voix intérieures, les singes et la sorcière. Sa main tient la mienne avec une douceur joyeuse et mes doigts tenus au chaud, immobiles dans sa paume, ont pleine conscience de la totalité de son corps. Notre communion nous mène jusqu’au musée d’art moderne. Les spots de la cour intérieure tamisent la nuit. Et au milieu, un cheval de bois.

L’apparence tortueuse des morceaux de bois, tels de longs doigts noués, faits d’échardes qui soutiennent une carcasse de cheval rongée par les apparences et les mythologies que l’Homme lui a prêtées m’interpelle. Le bois, quelle matière noble et friable, si sujette aux intempéries et difficile à travailler. Comment la sculpture, l’assemblage de bouts de bois, peut-elle survivre à la pluie abondante de la ville ? Comment cette carcasse ne gonfle-t-elle pas, n’implose-t-elle pas émoussée, de l’intérieur par tant de particules de gouttes ? J’adresse mes questions à demi-voix, fascinée par la lune et le squelette chevalin, ma main, adoucie par la présence de l’autre, et elle flotte un instant. Un instant, j’ai les idées au bord des lèvres, le cœur accroché à mes mots, je suis liée à travers grille et convention, à Lui et à cette œuvre.
C’est le moment qu’il choisit pour m’embrasser, pour lancer un exutoire à ma chamade.


Évidemment, tout se met à tourner, Hermès me chausse de ses souliers éthérés et les afflux reflux de mes intérieurs se font post-rock et symphonie. Le monde se joue de nous, et nous nous nouons à petit feu. Ce baiser est une affaire de main. In médias re et en chanson.


Mais voilà. Le bois n’est pas du bois. C’est du Bronze. L’âge d’homme. Dommage. Tout aurait pu être si bien, si doux. Rencontre archétypale. Mais je me sens trahie. Il a fait le mauvais choix. Le trident de sa destinée l’a écarté de la mienne, en une fraction de mots. Dire avant d’agir, avant d’entremêler les âmes, ne pas agir, se taire.


      -    I love you.
      -    Moi aussi. Je t’aime.


Il me serre contre lui, mais tout est déjà pourri. J’ai envie de le pousser, de partir, de retrouver Tara, de crier, de pleurer et de griffer le monde. Je m’en veux de ce corps, de cette voix, de ce langage, qui fait et dit toutes ces choses à mon encontre. Mes bras se crispent, il resserre son étreinte. Je l’aime tellement, in médias re. Sartre me chuchote ses mots et sa nausée et je frémis de cette étreinte inattendue, touchant d'une main notre tombe et de l'autre notre berceaux.  





11 décembre 2011

(suite) La reine absurde. (ou comment j'ai décidé de continuer)

Où: Portland

Sound: ça! Theme from Vicarious Bliss (Justice Remix)

Quoi:: Sunday, effervescence.

 

Chers,

 

IL y a quelques temps j'avais commencé ça: Chapter One - La reine Absurde, (suivez les GROS POINTS GRAS),en faisant mumuse avec les boutons words pour changer les typographie (la fichier word est bien plus mumusant!).

Et il y a quelques temps plus tard, j'ai décidé de continuer et de developper en long, en large et en tordu, les truculantes aventures de mon petit personnage: (voir ci-dessous)

Bonne lecture de la suite.

.      .      .

 

L’homme me parle, me chante, ne me lâche pas la grappe. Bon sang mais il lui est passé quoi par la tête – ou la seringue – pour se retrouver là avec un œuf dur. Il n’y a, selon moi, que deux explications.

1)      Le mec était chez lui, petit fond de Jimi, il a eu la dalle a fait bouillir de l’eau, durcir un œuf, l’a écaillé, a sorti une assiette et s’est dit « Non, en fait non, cet œuf je vais le bouffer dehors, dans la rue. J’ai pas envie de faire la vaisselle. »

2)      Il a trouvé un œuf dur dans la rue. Et quelle autre possibilité quand on trouve un œuf dur dans la rue que de le manger. En marchant. Evidence

Remarque, ça n’explique pas ce que l’œuf faisait dans la rue ? Un collectif d’aide dissimulée aux sans-abris, toxicomanes et autres nuisibles urbains. Dissimulés parce qu’il faudrait pas que l’Institution prélève un impôt sur les œufs samaritains. Genre « Ah non non, ça va pas être possible là. On va devoir prélever le jaune. Aller, hop hop hop ma p’tite dame, vous m’enlevez la coquille là tout de suite et on s’y met… Quoi ? Injuste ? Ah bah c’est pas moi qui écrit les lois ! C’est le système, ma p’tite dame… Allez, donnez-moi le jaune et circulez. »

Il m’a donné faim avec son histoire de jaune lui. J’ai l’impression que mon estomac est en train d’essayer d’aller voir ce qu’il se passe du côté de mon foie et mes reins. Voir s’il y a pas un peu d’eau pour se rafraîchir ou un truc à malaxer pour se donner une contenance. J’ai les poumons visqueux aussi.

Des excès, des lacunes. Excès de nuisibles, lacunes de bénéfiques. Classique. J’ai pas vraiment de masterplan en ce qui concerne mon existence, mais bizarrement, chaque fois que j’ai clairement faim, du genre coup de clairon corporel qui rappelle à l’ordre tout ce qu’il ya  de bohème en moi, ça fait office de remue-méninges. Bohème de la génération Z. ou Y ? je sais pas vraiment. Enfin clairement la fin de l’alphabet, y’ aucun de doute. De ceux qui puent la fin d’un système rouillé. Ma génération de fin d’alphabet pue la rouille. La douille. Haha.

J’y pense comme ça maintenant et c’est probablement n’importe quoi mais cette fameuse génération chromosome, sa différence elle est dans sa chair, dans sa manière intrinsèque de faire la fête parce que What's the point of it all.  Le nihilisme porté par ce que le capitalisme a fait de pire nous pousse aux extrêmes, dans une logique irréprochable du pourquoi pas. Les sixties faisaient la fête par soucis de connexion, d’exploration. Les seventies faisaient la fête, portés par le flot. Les eighties dansaient sur les cîmes d’un monde déconstruit, excitant. Les nineties, pour se créer des icônes. Et nous, la will to kay + 10, on sent l’implosion arriver à plein nez. Plus rien n’a de sens, si ce n’est se foutre de la poudre dans le nez et s’adonner à des spasmes troboscopiques face à des murs de son, sur de la musique qui, elle aussi, s’est vidé de son sens et sa mystique. Et ouai mec…

… je tire ire un coup sur mon bonnet. Fait froid. Le vent fait pas semblant ce soir. Je pense aux petites fesses rondes de T. Pense à ma mutilation surprise au dessous de la pommette.

J’allume une Camel.

Comment est-ce que je vais me démerder pour effacer ce truc ?

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5 décembre 2011

La tentation d'exister.

Où: Portland

Quoi: Itunes en shuffle. The Whale Song- Modest Mouse.

Mood: Sérotonine.

 

"Je peux écrire parce que je vais mieux."

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Chers,

Si je n'ai pas écris pendant tout ce temps c'est que je ne savais pas ce que serait la première phrase que j'écrirais.

Stupide mais pesant, non de non.

Certains d'entre vous le savent, d'autres non: j'ai rebasculé dans mon autre moitié du monde depuis la fin de l'été.

La bascule s'est faite sans grande cérémonie.

Je suis partie et arrivée, comme j'étais partie et arrivée, avec en tête et en bagage un grand souffle de nihilisme glaçant.

Le coup de blues n'avait rien de musical et ma ritournelle dissonnante s'apparentait plus à un "à quoi bon" qu' à la mélodie du bonheur.

Pendant les mois de soleil, j'avais écrit jaune, sur ma rencontre avec une professionnelle du bonheur en pilule.

Ma stratégie de "la petite camisole chimique", toutefois, m'a gentiment ammenée par la main dans une impasse puant la pisse de chat et les poubelles de resto chinois. Et je me suis retrouvée seule, reine absurde de mon demi-monde, à fredonner des  àquoibon versés de larmes.

J'ai pensé à passer aux choses sérieuses, mais j'était trop fatiguée pour le faire. Et puis à quoi bon disparaitre quand on n'existe pas.

J'ai considéré faire un saut, à pied joints, dans l'absolu. Mais àquoibon.

Me suis entourée de magie en rouleau, ai étiré mes zigomates plus que jamais lors de mes apparitions publiques. J'ai ris fort, parlé fort, porté des couleurs vives, porté du rouge à lèvre rouge, minaudé, porté du mascara qui rendait mes cils aussi longs et épais que du poil de chèvre du cashmeer, mangé, absorbé du sucre à défaut de me shooter à l'héroïne, forcé le sommeil, commencé trois livres. En somme, j'ai porté ce même masque, celui de Mishima, que je porte depuis toute petite j'ai compris le fonctionnement du monde. Mais un jour, l'élastique a claqué, et, au fond de mon impasse, j'ai ôté ma couronne de reine absurde et vascillé un instant, au bord du précipice. Lost in the supermarket. Puis, je m'en suis allée, avec l'idée en tête d'aller mieux.

Depuis, je m'offre, deux capsules de millepertuis par jour. Et mes deux boulettes de sérotonine naturelle ont remplacé mes àquoibon par des etonverraaprès. Maintenant, je roule avec le flux. Même si ma perception n'a pas changé, en sois, je suis libérée de cette fatigue étouffante qui procédait cliniquement à l'avortement de chacun de mes embryons de projets.

Je n'ai pas écris, pendant mes cent ans de solitude. J'ai griffonné. Et la relecture de mes impulsions graphologiques, aussi douloureuses ont elles pû être, me pare imanquablement de frissons observables.

 

Entre autres:

 

 

3 Nov:

J'ai tué "mes" valeurs, celles qu'on m'a transmises. Je me suis séparée de la mère patrie pour m'envoler seule et me poser sur la cime de mon arbre des possibles.

Mais, sur mon chemin d'individuation, je me suis perdue.

Inferno                      _____                     Paradisio

Mon purgatoire pue l'absurdité. Et même les arbres m'ont oubliée.

J'aurais voulu briller . éclairer les regards mais même le mien s'est éteint.

Alors je brasse pour ne pas couler.

Je brasse du vent, de l'air, du stress, du temps et de l'argent qui n'est pas le mien.

Mes clowneries hurlent mon départ prochain.

Mes couleurs s'époumonnent de mon vide.

Ma vie s'absorbe.

Hush.


 4 Nov

J'aime le brouillard du matin où quelquechose se trame en secret.

Le brouillard, son humidité froide mais légère, me vivifie car il étouffe mes alentours.


4 Nov, un peu plus tard:

Plusieurs jours que le monde m'échappe systématiquement. je me vois. je m'écoute. je me sens faire, agir, participer à l'ici-bas. Mais je n'y suis pas. Le film s'amincit. I'm losing it.

Et puis ce silence. Et ces larmes.

Sans aucun sens. Juste là.

Un silence sans son. Des larmes sans motif.

Je suis quoi

Et je reste quoi

 

8 nov

Les voix et les cris de singe se sont transformées en un bruit sourd. Fin de soirée chez les voisins du dessus.

Ces jours-ci je me sens assez directe, mais me refuse à faire des mondanités.

Je me sens efroyablement seule.

Assourdie de solitude

M'est revenu à l'esprit mon Rose et Noir dans l'Est, et l'âpre goût de gris que j'avais en bouche à l'époque.

Sauf qu'à vingt-ans j'avais les bras bas.

A vingt-six mes bras ne comptent plus pour Rien, je suis trop prise dans la machine... et j'approche critiquement de vingt-sept.

 

22 nov

 

L'ambiance du bar avant le concert se même aux Black Keys.

La blonde citronée s'ajoute aux précédentes.

Un mec. Deux.

Ils parlent d'une paire de bottes avec enthousiasme.

"Man, I've got the best pair of boots. They're from '95 but the color and the shape! They're just the best!"

Portland et/est son obsession pour les années 90.

Entre mes deux tournées, j'ai marché.

J'aime de plus en plus marcher.

Aller d'un lieu à l'autre. D'un moment à l'autre.

Saint John's m'autorise, me permet d'apprécier ces moments. De les vivres en tant que tel et sans avoir d'arrière pensées.

"I'm howlin' for them".

J'en sors tout juste mais c'était vraiment une saleté de période.

Il s'en est fallu de peu.

Alors le mot de la fin c'est OUF.

 

 

ET          ON           VERRA             APRES  .  .  .

 

A vous.

 

S.

 

 



 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

8 septembre 2011

Echéances

? BuzzHouse

Dans les oreilles: Last Fm, Tag, Janis Joplin

MindstateJeparsdans30heuresmesvalisesnesontpasboucléesetsontdéjàtroplourdesilmerestetroismillionsdechosesàfairetjenelesfaitpas

 

Deux histoires possibles. Deux demi-mondes:

 

IL FAIT TROP CHAUD POUR (S'EN) SORTIR.

 

______________________________________________________________

 

Aujourd'hui, et les jours qui vont arriver, j'ai l'exacte impression que je vis/je vais vivre ça:

 

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Let's see where it takes us.

2 septembre 2011

CHAPTER ONE, mieux que Bret Easton Richelieu.

Les amis! 

En réaction à l'hérissant ça: 

 


Margaux Guyon présente "Latex etc."

 

Puisque le Vaucluse est devenu LE centre culturel et cultivé par excellence de l'Ûnivers des gens de lettres, je suis la tendance et publie, ci-dessous pour votre plus grand bonheur, les prémices de mon premier chef d'oeuvre inédit, et vous prouve mon abilité à être plus littéraire que Nabokov et littérale que le Dalai Lama. En somme, UN(e) échappatoire qui nous permet de nous remémorer à l'esprit que "Si les singes savaient s'ennuyer, ils pourraient devenir des hommes." (Wolfgang MiddleName Goethe)

Prout!

 PS: (La version word est color(i)ée, et pour ceux qui connaissent mon amour du mumusement typographique et que cela intéresse de passer en technicolore, laissez un message ou mailez moi, je vous prêterai mon PDF avec grand plaisir. Pour les autres, profitez bien du GRIS CLOPORTE.) C'est parti!

                 IMG_0430 IMG_0527  IMG_0367IMG_0524 




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(Comme à l'accoutumée, je suis toujours auteur des photo que je publie ici )


.      .      .

 

Me réveille à cause du froid et de la vague odeur de rouille qui vient de la salle de bain. Le bruit ne me dérange pas. Le fait que ma nouvelle copine de chambre, plutôt mignonne cela dit en passant, soit en train de s’amuser avec un des « Européens » qu’on a rencontrés hier matin à l’auberge, non plus. Il est dix-sept heures. Ai mal au crâne et aux narines. Envie de lire Nabokov, mais encore plus envie de prendre une douche, une vraie. Me rappelle pas de ce que j’ai fait, dit, vu ou pris hier… avant-hier ?

Il est dix-sept heures deux. Il fait froid putain. J’arrive pas à croire qu’en plein mois d’août je sois obligée de penser manteau et cardigan. J’aurais dû aller à Miami. Ou Hawaii. Ou La grande Motte.

Je les regarde, les deux. Elle, la belle blonde. Encore plus parfaite dans sa nudité qu’elle ne l’est dans ses fringues vintages qu’elle a payées une fortune dans la friperie hype du coin. Lui. Vaguement gay. Vaguement, parce que s’il l’était complètement il ne serait pas en train de faire la bête à deux dos et trente-six jambes avec T. Blond aussi. Bronzé malgré son nordisme évident. Remarque, son air de Fjord va bien avec ce bordel de courant d’air qui me glace les os par-dessous la porte de la sal(l)e de bain.

Qu’ils soient à poil et actifs ne me dérange pas. Ils font ce qu’ils veulent et j’ai probablement fait pire hier. Pourtant, je n’ai aucune envie d’exhibitionnisme à ce moment-même. Envie d’une douche, ouai. Envie d’un café, ouai. Envie d’une tartine ou de n’importe quoi susceptible de stopper la battle de gargouillements qui se joue en moi, ouais. Envie de traverser cette chambre d’auberge miteuse, à poil dans le froid, entre deux lits superposés - dont les couchettes du bas sont occupées respectivement et à tour de rôle par moi, T et quiconque aura su nous convaincre que sa présence valait mieux qu’une nuit de sommeil calme et sereine en solitaire ; et les couchettes du haut par de pauvres looseuses qui ont raté le dernier bus ou le dernier avion et passent leur unique nuit sur la côte ouest scotchées à leur écran d’ordinateur, leur facebook et leurs semblant de petit confort; non thank you.

J’essaye d’attraper un polo et un legging. Évidemment que je vais me cogner et gémir. Et évidemment que cela va faire rire les deux étéromanes d’à côté, et évidemment qu’ils vont m’inviter à participer à leurs ébats-rebouillements. Fuck. J’y vais à poil.

La sal(l)e de bain est un immondice. Le lino craquelé m’égratigne le talon. Le miroir est couvert de taches noirâtres, moucheté de molécules d’un dentifrice qui a probablement touché des millions de dents de touristes, looseurs ou beaufs des quatre coins de la planète. Léger décolage.

Défil :                             bouches glaireuses et souriantes, pyjamas roses, t-shirt Bob Marley,          

     mâchoires serrées suintantes.

 

Je louche sur les petits projectiles de bave fluorée intercontinentale. D’un peu plus près, me rends compte que les taches noirâtres ne sont pas sur le miroir, mais sur mon visage. Mon maquillage élaboré d’hier soir a pris des tournures abstraites et un Picasso bourré n’aurait pas mieux fait à me remettre en peinture. Bon Dieu, mais qu’est-ce que j’ai foutu ?

Toutes ces dents et ces taches[1] me foutent la gerbe. Ose même pas vomir dans le truc immonde qui sert de chiotte au scandal dans lequelle je vis depuis 10 jours.

À côté, ils ont profité de mon absence pour accélérer la cadence. Et que ça grince et que ça grogne. Ils me font rire avec leur marathon horizontal. Ça me distrait vaguement de mon envie de vomir. Prends mon courage à deux mains et plonge l’une d’entre elles dans la baignoire où stagnent 10 centimètres d’une eau… nuageuse. L’image est un peu trop guillerette si on réfléchit à ce qui charge cette eau, mais le fait est, elle est véritablement nuageuse. Du coup , Léger décolage.   

                         petits                  heureux

Défil :                             chérubins                    de cumuLo                    Nimbus

                  qui sautillent                                                                  en      

 

Le contact de l’eau me surprend. Je m’attendais à quoi ? À vraiment toucher un nuage ? Suis con parfois. L’eau est pâteuse, froide, et je crois sentir une espèce de mucus me frôler la paume. Bordel de douche, déverrouille-toi, bitoniot de douche de merde. Sais même pas comment ça s’appelle ces machins-là. Trouver un dictionnaire tout à l’heure. Y’ a trop de mots comme ça que je laisse passer. Mais comment on cherche un mot qu’on ne connait pas ? Veux dire. On possède plus ou moins la définition, le concept du truc, mais le mot ? La vie à revers est vraiment pas simple. Nabokov et un dictionnaire. Voilà ce que je vais faire tout à l’heure.

Bon, ai réussi à bouger le bidule un minimum et l’eau s’évacue aussi vite que la scène politique française se renouvelle. Plonge les pieds dans l’eau not-so nuage à tendance mucus et met en marche la douche, me prépare à une autre altercation glaciale avec mister H2O.

Ai plus un pète de cellulite depuis que suis arrivée à Sanf.

 

Comme prévu, la douche est glaciale. En même temps, risque pas le choc thermique au vu de la température ambiante. La rapidité à laquelle je passe sous l’eau froide, me débarrasse de la mousse du shampoing et du gel douche et sors de la baignoire tombée du camion est impressionnante. Le genre de rapidité où quelques stroboscopes ne feraient pas de mal. Une douche frénétique. Quand expire, peux voir mon souffle dans l’air. Comme si étais en train de me griller une camel in the nude. Sauf que non. Griller n’est pas vraiment le mot approprié. À la limite « peler », si on veut rester dans le registre culinaire. Enfin bref, vais pas rester trente ans à philosopher sur la température de l’air et les réactions thermophysiques de mon souffle avec ce dernier. Surtout quand le seul verbe qui me vient à l’esprit pour caractériser mon état est peler.

Le plan est simple. Une serviette en bas, une serviette en haut pour la tignasse, cours dans la chambre avec des œillères - pas questions de laisser croire mes deux acrobates à un regard approbateur ni de les laisser se donner en spectacle), enfile le fameux legging, des chaussettes, un soutif, un polo, un pull. Ah merde, ai oublié la culotte… Bon, Serviette 1, serviette 2 , chambre, CULOTTE, legging, soutif, polo, pull, chaussettes.  Mon sac, des pompes, un bonnet (oui oui c’est le moi d’août), mes clopes,mon phone, Nabokov et je me tire.

Bordel. La seule serviette est sous mes pieds, dans une flaque de ... ouai cette fois, ça n’a pas l’air du tout nuageux. Ah merde merde merde. Bon, essaye de me secouer, et d’essorer mes cheveux au dessus de la baignoire.

.      .      .

 

Ah, mais quel con ce mec ! Il a bien vu que j’étais entrée dans la salle de bain. Je lui hurle dans un anglais de soprano hystérique de foutre le camp et de dire à T. de me donner un linge.

Il s’exécute avec un petit sourire de roquet fier de lui. Ai une envie irrépressible de filer un coup de pied dans la porte tellement je fulmine et j’ai froid. Sauf que d’une, risque ou bien de péter la porte ou de me péter un orteil, et que, de deux, mesure tout le ridicule de ma situation, de ma nudité trempée façon chair de poule et ne voudrais pas ajouter une danse de la guerre à ma petite rumba au dessus de la baignoire. Je n’ai jamais vraiment eu l’instinct guerrier.

Quitte à attendre, autant être efficace. Attrape un bout de papier toilette. Ai-je besoin de mentionner que ne ressens nul besoin de le passer sous l’eau avant de l’utiliser puisque suis aussi trempée que Bob (l’éponge, pas Dylan). Me mets en mission de nettoyer les traces de crachat de dentifrice sur le miroir. Bonne nouvelle, c’est que ça fonctionne. Moins bonne nouvelle, le maquillage noir sur mon visage, que j’avais pris pour des taches, n’est pas du maquillage. Là tout de suite, je penche[2] pour du feutre indélébile… ou de l’encre.

L’encre parait sûrement une meilleure option, sauf que si c’est de l’encre… ça ne m’a pas l’air de la jolie petite encre bénigne du stylo-plume qu’un coup d’effaceur fait disparaître. Non non. C’est plutôt le genre d’encre qui, en injection douloureuse ritualisée, a servi un nombre incalculable de fois à signifier l’amour d’un gentil routier pour sa maman, d’un gentil marin pour l’ancre de son bateau, et d’une gentille pétasse pour les papillons au bas de son dos…

Ah mais bordel de pouille fais chier ! Qu’est ce que j’ai foutu hier soir !!!!! Essaye de frotter, à grand renfort des lingettes démaquillantes de T qui sont posées à côté des toilettes. Pas la sensation la plus agréable, mais ça part assez bien avec un peu d’huile de coude. Je souffle un peu parce que je ne pense pas qu’aurais pu gérer l’incident « je me suis fait tatouer la gueule ». C’est le genre de truc qui demande une longue préparation mentale et un esprit dérangé. Un tatoo sur la gueule c’est comme un gamin. C’est un sacré foutu engagement.

T. entre. Elle est morte de rire, se plie en deux et remue du popotin. Très drôle. Lui tire la serviette des mains et lui montre mon visage. Arrive pas à croire que ça fait que dix jours qu’on se connait. On est comme deux gamines, des sœurs qui s’apprêtent à prendre leur bain et s’en contrefichent de ne pas avoir le moindre vêtement sur le dos. Elle essaye de frotter mon front avec une lingette et me dit avec son petit twing d’Australienne que ça part... sur le front. Mais que ça saigne un peu sur la joue au niveau du tatouage.

- Attends T. On fait un break là, au niveau … du quoi ???

-Bah, du tatouage.

-Oui j’ ai entendu. jE suis à poil et frigorifiée, pas encore sourde. Mais surtout jE suis TRES incrédule, là. UN tatouage ?

-Bah ouai.

Et là elle me fixe de ses grands yeux bleus que j’ai bien envie de faire rentrer dans leurs mignonnes orbites, le sourire amusé et malicieux aux bout des lèvres, comme Dumbledore qui connait toutes les conneries d’ado d’Harry, mais ne lui en siffle pas un mot, histoire de faire durer un suspense à la con. Naze T. Vraiment naze !

Sa petite pause dramatique passée, elle prend une autre lingette et me dit « Look ». Elle me débarrasse du gribouillage débile et grotesque sur mon faciès. Et effectivement, une petite tache sanguinolente est là, triomphante et remarquable, oh combien remarquable, sur ma pommette droite.

Analyse rapidement les dégâts. L’œuvre d’art est noire, tirant un peu sur le bleu. Un léger gonflement délimite les contours somme toute assez précis de la tâche. La limite boursouflée de la tache semble être à vif ou du moins en contact avec une source de sang. La tache en elle-même n’a rien de particulier, si ce n’est que je note que la forme m’est vraiment familière.

-          Oh putain de con de fada. C’est la France. Me suis fait tatouer la carte de France sur la pommette.

jE crie. Et cette fois ce n’est pas en anglais. Ma stupéfaction à fait bouillonner tous les artéfacts langagiers provençaux que j’ai accumulés au cours de mon adolescence.

La carte de France. Vraiment. La serviette m’en tombe des mains. Ne me savais pas si patriote.

Pendant une seconde ai un doute et m’attends à trouver un Aller l’O.M ou un I love Arlette à un autre endroit inattendu de mon anatomie. Mes contorsions me rassurent. La tête amusée de T m’énerve.

Je ramasse la serviette. M’essuie pour la forme. Avec le temps qu’elle a mis pour ramener sa petite tête de chouette après que son copain le roquet l’ai informé de ma requête, j’aurais eu le temps de sécher et me dessécher trois fois. Sors d’un pied ferme de la salle de bain, et cette fois ne me gêne absolument pas pour amorcer la danse de la guerre et donner un coup de pied bien senti dans la porte.

Bonnet, chaussettes, legging, soutif, pull, polo, pompes, sac, phone, clopes. Je sors en trombe. Descends les escaliers en courant, ignore complètement le salut de Miguel le réceptionniste de Barcelone, et les deux Coréens qui m’appellent alors que je traverse le hall d’entrée.

Franchis la porte aussi frénétiquement que lorsqu’ai rincé le shampoing de mes cheveux sous la douche. M’enfonce une cigarette dans le bec, l’allume, inspire profondément et…

-Quoi ? Qu’est-ce que tu veux ? Fous-moi la paix avec ton œuf dur !

 

.      .      .

 

(To be continuède)

 



[1] Nom Féminin : 1) Marque salissante laissée sur une surface par une substance qui recouvre ou imprègne une partie de celle-ci.  2) Personne sans valeur.

[2] Espère

 
28 août 2011

Rapide gribouille à l'ami nouveau

 

Cet été m'a soufflé une rencontre. Un personnage, un sage des années folles. Un monsieur, ami, qui sur sa bicyclette a traversé le temps et les époques (et au passage en a probablement créées quelques unes!) avec une majesté et une coquinerie constamment renouvellées.

Professeur, cinéaste, archéologue, artiste, chercheur, trouveur, écriteur, écrivain, vivant, séducteur, fascinant, il s'est fait une place dans ma vie monotone et gri ( s) (ff )ante de serveuse ...

Nous avons créé du temps, ensemble, légèrement terrassés sous le soleil des Corps-Saints, à échANGEr. Nous avons monté un barrage contre les anges qui passaient, et les témérAIRs qui parvenaient à se frayer un chemin dans nos conversations, volaient avec peine, chargés de rêves grâcieux et de nourritures terrestres qui n'étaient pas les leurs.

J'ai pourtant vécu chaque moment comme une ét(r)irement; effilochée par une sorte de trinité existentielle:

- La vive, immédiatement cyclique qui vit, s'écoule et puise dans le présent brut

- La déja nostalgique, consciente de tout et surtout du temps, avide de ne pas perdre la matérialité du chronotope où elle siège.

- L'écri-veine, qui glane informations, métaphores, détails et dégagements narratifs; celle qui voit le temps et ce dont elle fait l'expérience en trois-dimensions et l'inscrit dans une trame d'inventivité plus grande, plus vaste.

 

Monsieur Alain-Alcide Sudre, au cours de cette fugue d'été, vous m'avez infusée de plaisir, de nostalgie et d'inspiration.

Aussi, je vous amène sur un plateau virtuel, non pas un café frappé, mais la première de mes modestes gribouilles:

 

AAlcide Errant.

 

Le silence, l’exil et la ruse.

Entre la pesanteur et la Grâce.

Ridules et fantaisies,

Malices et profondeurs,

Il se dessine à moi, celui qui voit différemment.

Autour d’un café sur glaçons, nous épions

Ses jeunesses élégantes et,

Portée par son éloquence et ses imaginaires,

Je plonge, inquiète et attendrie, dans l’écume laissée par ses paroles.

Il m’affabule et me ravit,

Me prête sourire et m’invite à voler ses conseils.

Vous êtes rafraîchissant Monsieur A !

Vous êtes tourbillonnant ! Un acrobate du temps…

 

Et je vous âmi-ici beaucoup, parole de p’tite cuiller.

7 août 2011

L'ectoplasme rieur et le divan délabré

 

Lieux: La cité des Papes

Humeur: Lucide

Bande Sonore: Discographie de Tunng

Changer de monde n’est pas facile. Bougrement pas. Et il faut mettre dans ses valises une bonne dose de courage, de yeux mi-clos et d’oxygène pour essayer de ne pas trop s’enterrer ou suffoquer dans la foulée thermodynamique de l’aterrissage, parfois brutal, dans l’autre demi-monde. Malheureusement, dans mes valises j’avais troqué l’hélium et le bol d’air contre : des livres que je ne lirai pas au cours de cet été prolo, des bouts de tissus bariolés trop chauds ou pas assez et septante-cinq pour cent de bric et de brocs que n’importe qui d’autre au monde n’ aurait jamais eu en sa possession ou même tout simplement laissé entrer dans son champ de vision.

En fait, la peur d’arriver les mains vides dans un demi monde aimé mais inhospitalier, c’est littéralement pesant.

Aussi, entre les deux moments ou CLING je fais mon sourire le plus décalagehorairé à la Police Aux Frontières de ce très cher ( là encore littéralement) Charles  (de G) il y a de cela deux mois; et celui où mes bouts de doigts tapent la (dé)mesure sur une large (non) sélection musicale nocturne et d’Ô Rage Vauclusien, j’ai tenté en vain de me dépatouiller avec mon sac à dos généalogique, mon tissus nerveux dysfonctionnel et la loi de l’offre et la demande alimentaire place des Corps- Saints Suants. Il faut bien dire que j’ai un passif archéologique d’échecs dans mes tentatives chroniques à me sentir légère et libre comme une plume de pigeon parisien; et mes épaules, bien que solides, rechignent à laisser glisser mon Quechua dorsal. C'est pourquoi j’ai donc décidé adverbialement, alors que j’attendais un énième entretien fraise-à-tête avec ma dentiste, d’aller m’allonger sur un divan conventionné.

(jingle)

Voici mon histoire.

(jingle)

 

Juillet toujours. Dans quelques jours, pile deux mois que je suis rentrée. Pas mal de problèmes administratifs qui me tournaient dans la tête avant mon départ se sont réglés. Par exemple, j’ai pu, après de nombreux efforts et déplacements, ressusciterdans les fichiers de la sécurité sociale Française. J’existe à nouveau. Je ne sais pas si vous vous rendez compte, mais c’est pernicieusementfatiguant de hanter.

 haunting

Même pas besoin de mourir en fait. Finissez vos études, ça suffit. Mais attention, ce n’est pas donné à tout le monde de hanter. Il ne faut PAS travailler. PAS être au chômage. PAS toucher d’aides.  Mais attention une fois le statut de fantôme administratif obtenu, rien ne vous garantie la facilité ni l’aboutissement de votre retour post existence éthérée.

S, de son sourire le plus terrestre : - Bonjour madame ! Je voudrais m’affilier à la sécurité sociale.

Administrative lambda :  - Votre numéro de sécurité sociale.

(S procède à l’énumération rocambolesque de la suite de chiffres sans grande signification mathématique et encore moins magique qui la suit comme une petite ombre sournoise depuis huit ans, c'est-à-dire, plus ou moins 9520 jours après son premier yodle hospitalisé.)

Administrative lambda : - Ah mais non, vous n’existez pas.

S, très existentialiste voire Shakespearienne: Quoi ? Quoiiiii ? Oh nooooooooooon ! Je le sa-vais. Je n’existe paaaaas. Ah ! Etre ou ne pas être … 

Administrative lambda : …. (Regarde sa montre.dérecapuchonne son stylo.Devient encore un peu plus grise ... ou orange, selon la région où l'on se trouve.)

                                                               Fin de l’(In) Acte I

 

« Aller, ça fais quoi, dix, quinze minutes que j’attends là… Ah flûte !il est 14h30 presque. Hmm. Je n’ai presque plus de batterie. J’espère que personne ne va m’appeler. Remarque, j’espère que je n’aurais besoin d’appeler personne. En même temps qui appeler ? Bon, j’espère que je vais pas attendre trop longtemps là. Elle est bien cette dentiste, mais elle a toujours un retard monstre…Cela dit, je paye rien. C’est déjà pas mal. Faudrait pas que je sois en retard au boulot… On n’a toujours pas signé nos contrats. Trois semaines quand même. Il va se bouger ou non le patron ? J’arrête pas de lui demander. Il se fout de notre gueule là. Je sens trop le truc louche. Il va pas nous payer. Et comment je vais faire pour repartir ? Peut-être qu’en fait je ne devrais pas repartir. Mais si je repars pas je fais Quoi ? J’en peu plus.  Ah et mince ! mon ticket de parcmètre. Je suis sûre que je vais prendre un PV. J’en peux plus. J’en peux plus, j’en peuxplusj’enpeuxplusjenpeuxplus… Je craque. Hier soir j’étais pas bien. Heureusement que j’ai appelé B. Est-ce que c’est tout le monde qui a ces idées ? Trop c’est trop et finalement plus rien n’a de sens. En fait mourir c’est le seul acte qui fait sens ? Pourquoi je m’embête à vivre tour ça alors qu’on n’arrête pas de me répéter que je n’existe pas, à agir autour de moi en me signifiant que ma vie n’à aucune valeur ? Pourquoi vivre si c’est pour être le maillon d’une chaîne de non-sens monnayé et mécanique ? Bon, je vais faire poser ma couronne, soigner ma carie et après je me tue. Je voudrais pas mourir sans dents. Haha. Ahah. …

Il me fait chier celui là en face à me fixer. C’est quoi ce monde de merde où on n’a même plus le droit d’éclater de rire en solitaire. J’en PEUX. PLUS de leur regards accusateurs. Comme si il avait besoin d’une putain de concentration tantrique avant d’aller se faire polir les molaires ! Vieux con. Je sors. Je suffoque. J’en peux PLUS. »

Après être sortie de la salle d’attente du cabinet, sous l’œil inquisiteur de la secrétaire médicale lambda numéro dix ; la larme à l’œil, le palpitant prêt à faire le grand saut et la tremblote généralisée, j’ai utilisé mes dix pourcents de batterie restante pour chercher et appeler psychiatre sur psychiatre.

RAPPORT CONCLUSIONNELLE STATISTIQUE APRES UNE DOUZAINE D’APPEL SUR PANEL // PSYCHIATRES JUILLETISTES :

1) Le psychiatre en juillet ne répond pas

2) Le psychiatre en juillet est complet jusqu’à fin septembre

3) Le psychiatre en juillet est sexologue. (et cher)

 

Treizième appel. Un nom qui me plait. Un nom de femme. De psychiatre. Un nom professionnel et cultivé. Je me trompe rarement pour ainsi dire jamais. Cet appel c’est le bon, c’est sur. J’appelle.

 

-          Téléphone : Biiiip … Biiip

-          Voix  : Cabinet des dingues et tarés allOoOoOo

-          S : ????

-          Téléphone : Biiip … Biiip

 

Interloquée, et du coup, intriguée, je recompose le numéro du  Dr. A. LBW, me disant qu’un fou, enfin une folle, une vraie folle romanesque digne de l’imagerie du vingtième siècle, avec entonnoir, ou casserole sur la tête et iris tourbillonnant s’est emparé du téléphone avant que le Dr. A.LBW n’ait pu rien y faire.

 

-          Téléphone : B…

-          Psychiatre : Alloooooo ?

-          S : Ah ! Allo ! Docteur LBW ? J’aimerais vous voir car j’ai du mal à vivre. (dès lors, prise de rendez-vous « normale », et ajustement des calendriers mutuels).

A la suite de cet entretien, j’ai jeté un œil à la salle d’attente du dentiste encore à demi-pleine, bien décidée à me soigner les dents et régulariser mes embouteillages endorphiniques avant de mourir. Une semaine à tenir le choc et tout irait bien ! Et si ça n’allait pas, le Dr. A. LBW m’aiderait, me  prescrirait un calmant pour les nerfs, un somnifère, un antidépresseur ou je ne sais quoi qui allait me redonner goût à la vie.

Je l’imagine strasbourgeoise intellectuelle, l’œil vif et la féminité fière. Très femme, guide, lumineuse.

Dans une semaine j’allais parler à Simone de Beauvoir et elle allait régler mes problèmes de vie !

 

Une semaine passe. Je me suis accrochée. J’ai dormis peu. Travaillé beaucoup. Je me sens tarie. Asséchée. Très seule. Triste. J’ai beaucoup pensé à ce que j’allais lui dire et pourquoi mon être est dans cet état. J’ai passé des nuits à lire des histoires de suicide sur internet. Wikipédia m’a ®amenée vers la sociologie. Des blogs obscurs vers les médicaments, les ponts, les cordes et les coupures en tous genres. J’ai appris qu’il y avait un mouvement de suicidaires pour qui le résultat importe autant, voire moins, que la mise en scène de l’acte et sa réception. Le suicide performance. Qui l’eût crut ? Triste monde cruel. Par dessus le marché je lis Mishima, à nouveau, sans parvenir à me concentrer au-delà de la demi-page. Bref. Mon entretien est le bienvenu.

Comme à l’accoutumée, le finish psychiatrique se précède d’une étape dentaire. La dernière. La bouche ouverte et la bave au menton je me projette quelques dizaines de minutes dans le futur, quelques centaines de mètres plus loin. Si j’avais pu à cet instant précis, j’aurai souri.

Je pars dans les temps, marche sans me presser, arrive trois minutes en avance, trouve sans peine. Plaque dorée sur mur d’immeuble Haussmannien. Noms d’avocats, de notaires et de ma psychiatre. Les larmes aux yeux, je souris franchement cette fois. Les hauts plafonds et l’odeur des PUF des années 70 seront au rendez-vous.  Je sonne. Il y a une petite caméra au dessus de l’interphone. J’essaye de prendre l’air déprimé et vulnérable. Je me dis que je serai probablement en noir et blanc. Je ne me décide pas vraiment sur l’impact qu’ont le technicolor ou le N&B sur une première impression.  Chevrotante, je réponds à la voix qui m’a réceptionnée que j’ai rendez-vous avec le Dr A. LBW. Je pousse la lourde porte en bois que l’on vient juste de déverrouiller mécaniquement, en passe le cadre et pénètre dans une vaste cour intérieure qui sent la vieille pierre du Gard, la poussière, le bois cher vernis, et qui est plus fraîche de bien deux degrés que la rue d’où j’arrive. Un peu perdue et désorientée, je me trouve bête d’avoir précisé à la voix de l’interphone que j’avais rendez-vous avec le Dr A. LBW alors que j’avais très probablement affaire avec le Dr elle-même. J’hésite un instant entre m’enfoncer dans la cour ou me diriger immédiatement sur la gauche, ne voyant aucune plaque à ma droite. Mon œil, qui manque habituellement de vivacité, attrape pourtant un Dr. LBW inscrit au feutre bleu indélébile sur un pan de mur s’effritant attenant à une petite porte de conciergerie, où il y avait sans aucun doute par le passé une plaque vissée au dessus d’une sonnette. Le nom manuscrit est tremblotant et un peu trop appuyé. Comme un mélange d’écriture d’enfant et de maîtrise perdue de celle d’une personne âgée.

Je franchis le seuil. Mes espérances contiennent mon haut-le-cœur. Je reste interdite, envahie par une forte odeur d’urine et des hurlements canins. Trois portes s’offrent à moi et je suis dos à une quatrième dans cet étroit couloir, prise au piège entre parquet et haut plafond. A gauche une porte-fenêtre donne sur une pièce qui semble minuscule et qui n’est pas éclairée. En face, une grande porte de bois. A droite, une autre porte fenêtre, cette fois entrouverte, me laisse voir un secrétaire de brocante ou d’héritage, une table basse où s’amoncellent des magasines, un fauteuil à l’assise malmenée, ainsi que quelques affiches d’expositions d’art local jaunies et écornées autour des punaises qui les retiennent au mur. Tout autour de moi est décadent. Il y a plus d’éclats que de peinture sur les murs, le bois est blanchi par les nombreuses griffures; les vitres, opaques, graisseuses et couvertes de poussière. L’énergie du désespoir et mon nuage d’illusions nourri de curiosité expérimentale détournent mon attention des signaux que ce lieu m’envoie. Après une bonne minute d’observation et à me demander si la pièce de droite est le cabinet du Dr. A. LBW et si la porte entrouverte est une invitation à entrer, je décide que cette pièce est en fait la salle d’attente, les voix venant de derrière la porte en bois et les magazines sur la table m’ayant mis la puce à l’oreille. Elémentaire mon cher Whynot. Une fois dans la petite pièce digne de celle où je suivais, avec une peine bleue, d’affreux cours de violon lorsque j’avais cinq ans, je choisis de m’assoir sur le seul des trois fauteuils Empire qui ne menace pas mon postérieur de flirter avec puces, tétanos ou à court terme, le parquet flottant. Mais l’Eloge de la Folie d’Erasme, tout en enluminure, affiché sur la garde-robe qui se tient près du secrétaire comme une vieille donatrice RPR près de sa radio un soir d’élection, me rassérénère. Tout va bien se passer.

J’attends 30 minutes. J’essaye de détourner mon attention de la conversation qui se tient dans l’autre pièce. Je ne veux pas, une fois encore, écouter les malheurs des autres. Mais je ne peux m’empêcher de penser que le Dr. doit être en échange avec une amie puisqu’elle la tutoie et qu’elle lui raconte sa vie à elle aussi. J’attends trente minutes dans cette salle d’attente qui n’en a pas l’air où tout semble s’être arrêté en 2001. Les magazines et les affiches, l’air et le mobilier. Même l’odeur d’urine de chien semble avoir profité joyeusement de ces dix années de liberté a-temporelle. Je les entends se saluer trois fois, j’ai malgré moi les sens en alerte. Mon enthousiaste s’égratigne un peu et je me sens un peu blessée aussi. Dans tout cela flotte un petit parfum de trahison, l’ectoplasme d’une autre déception.

Le chien qui a pissé et souillé l’air ère de ma guérison, aboie. La porte en bois glisse et les deux voix de femmes se font plus distinctes. L’une est bien plus pâteuse que l’autre. Peut-être un appareil dentaire inconfortable, une dent à pivot mal installée, une ablation des amygdales récente, ou alors c’est la patiente, ce sont les médicaments, les antidépresseurs … Mais non, la voix pâteuse est celle qui détient l’autorité, celle qui annonce un programme des réjouissances psychiatriques, celle qui dit de prendre soin … L’ectoplasme file autour de moi, vient s’enrouler autour de ma gorge, faisant monter larmes et serrer poings et me susurre avec délectation « ALCOOLISME ». Mais mon épine dorsale se ferme au frisson, je me lève, avance d’un pas de déni près de la porte vitrée -- de peur de ne pas être vue, ayant été mise au coin par le fauteuil de mon choix, comme s’il était nécessaire d’être cachée pour profiter de la décence d’un siège. J’entends les pas revenir de la cour, s’approcher de moi. Je vais la voir. J’attends sincèrement que mes pré-visions d’elle se matérialisent devant mes yeux, sans créer aucune surprise. S’il te plait Monde, s’il te plait Monde, s’il te plait Monde. J’ai besoin d’Elle.

Mais elle, comme son lieu, est décadente, bouffie, les traits tirés, lourde,affaissée, blanchie, aux nombreux éclats. Elle ne me salue pas, me demande de patienter quelques minutes, me dit qu’elle arrive. Et dès ce moment-là je n’existe plus. Encore une fois. Tout va s’enchaîner sans grand intérêt, même si je suis ébahie. Ce moment ne mérite rien d’autre qu’un trafic au montage. Des avances rapides, des arrêts sur image, des retours en arrière, des ralentis. Et rien d’autre qu’une caméra subjective. Parce que dans l’entretien qui arriva quelques minutes plus tard, je ne suis RIEN.

Elle m’appelle mimine, me tutoie. Me fait un diagnostique mi voyance, mi délire. Se projette, invente. Perds ses mots, gribouille sur son agenda tâché de café, d’encre, de whisky et probablement de larmes. Caresse son chien, me demande de me décaler  car je suis devant le ventilateur et qu’elle aime être ventilée.  Me demande trois fois mon nom, me parle d’elle. Me dit que ma mère préférait mes sœurs, que mon père battait ma mère puisque c’est un homme mais que je n’en sais rien. Me dit qu’en fait je vais bien qu’elle est soulagée, me parle d’elle, encore. Puis elle me fait une feuille de maladie pour la sécu, une ordonnance pour la pharmacie. Lexomil et somnifère. Tente de m’explique la fonction d’un somnifère et de l’addiction, s’emmêle les pinceaux.

L’ectoplasme hilare observe la scène depuis le coin gauche de la pièce. Il peut bien être hilare, il est limpide et léger lui. Il observe l’endroit, ce cabinet aux airs de vieux saloon qui pue le mal-être, l’isolement, l’alcool, l’urine et la désolation; il embrasse toute l’ironie de ce spectacle tragi-comique dont je suis la protagoniste silencieuse.

Je prends mon ordonnance, me demandant un quart de seconde si je ne vais pas la trafiquer pour devenir trafiquante de subutex ou de nifluril. Elle me demande de régler 41 euros en chèque, et cinq en espèce s’expliquant en bidouillant vaguement une histoire de don aux enfants du Bénin, de retraite, de vieillissement et d’à-mon-âge-j’ai-assez-donné. Je m’exécute, hypnotisé par l’ectoplasme. Elle me raccompagne, m’ignorant, babillant à son chienchien qu’ils vont sortir maintenant, que ça fait loooongtemps qu’on est pas sortiiiiies, hein mimine. Et puis après le seuil, le chien ayant fusé dans la grande cour d’entrée, elle m’embrasse généreusement les deux  joues, me prends dans ses bras comme si j’allais prendre le transsibérien et me demande de l’appeler d’ici la date de notre prochain rendez-vous si ça ne va pas. Et puis elle part, satisfaite, et moi je sors ne sachant que penser...

 

 

 

Embrassades in- (attendues, appropriées, utiles...) appelez-moi si ça ne va pas d'ici notre prochaine date, mimines... ;)

 

xxx S.

 

 

 

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