Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
A demi mondes
24 juillet 2010

Rencontre et Jardinage avec un Suisse et un Portugais

Lieu: Bezouce
Playlist: Fink - Dinstance and Time
Mood: Sereine
Invités?  Fernando Pessoa & Carl Gustav Jung

 

Il est des moments simples dans la vie. Des moments de fluidité, de douceur.
Le quotidien dira qu'il s'est levé du bon pied ... elle, parlera de bulle, de plénitude, de flux, de tubes, d'éléments ...

 

Une série d'évènements ou de non-évènements associés à une accalmie intérieure.
Intuition et connexion
Un échange entre elle et le monde, entre le monde et elle
Qui se produit seulement
Quand le moi ne fait pas de vagues

 

Alors, le monde lui donne ce qu'elle n'attend pas. Et c'est là le plus beau des dons.
Le monde nourrit une curiosité nouvelle, inattendue.
Elle entend, voit, sent, reçoit de tous ses sens le message sublime.
L'impulsion initiale qui la mènera à la connaissance.
Et c'est toujours un message d'amour.

 

Ses intentions: connaissance, amour, amour, connaissance.
et bien sur l'individuation

 

En pratique:

 

Vous le constatez sûrement. J'écris souvent par impression et impulsion.
Mais c'est ainsi que je sens le juste. Un exercice jubilatoire de dé-rationnalisation de mon quotidien.

 

Vous comprendrez aussi que je n'aime pas beaucoup ce mot, quotidien
C'est un mot affreux, qui m'ébouriffe.
Je n'ai pas envie d'en parler maintenant, mais un jour, je mettrai à plat, une bonne fois pour toute, ma relation à ce quotidien.
En effet, c'est un mot qui a un sens . Il n'est pas vide. Mais je ne parviens pas encore à le définir clairement.
En effet, ce qui me chagrine et me révolte dans le quotidien, ce n'est pas le rapport qu'il a au temps. C'est autre chose.
Sûrement le fait que l'on s'autorise à se perdre - plus fort - à s'annihiler et s'oublier, dans le quotidien

 

Je crois, parce que je ne sais pas encore, aux flux et aux connexions ... en revanche, je sais que l'on se perd dans les courants et les vagues. Et malheureusement le quotidien est un courant, qui nous emporte, et dans lequel on se noie fréquemment.

 

Je ne voulais pas en parler ... c'est chose faite.

 

Je disais donc que souvent j'écris sous le coup de l'impulsion, et d'impressions ... comme si le mental avait été court-circuité. 
En gros ... j'écris pour moi et cela peut paraître nébuleux aux non-moi ... ceux qui n'ont pas cette chance extraordinaire de vivre à l'intérieur de mon enveloppe corporelle et de partager mes connexions synaptiques...
Petite note d'humour , pardonnez moi.

 

Je vais donc essayer de refactualiser (ouh le GROS mot!) ou encore vous donner, parfois, la clé, et l'origine, de mes envolées impressionnistes ... quand elles parviennent à décoller et qu'elles ne s'écrasent pas lamentablement sous le poids de mes éparpillements.

 

En l'occurrence, cela a commencé ... je ne sais pas quand. Jung me trottait dans la tête depuis un moment. Il faisait les cent pas, voyez-vous. Il attendait que je vienne à sa rencontre.
J'étais mal à l'aise, de savoir qu'il m'attendait, tout seul, dans ce coin peu peuplé de mon esprit. J'avais peur qu'il s'ennuie, le bougre, qu'il perde en densité, que la teneur de son propos s'amenuise et que finalement, il s'en aille, me jugeant inapte à l'écouter...
Dans mon entreprise (plus ou moins) récente de jardinage intérieur qui s'est concrétisée suite à une déconvenue universitaire, j'ai troqué la radio musico contre la radio intello que je fuyais depuis des années. D' une part parce qu'elle me rendait nuageuse, voire orageuse car elle mettait au jour mes vides, ou piétinait carrément sans la moindre gêne la fine couche de culture qui me permettait de briller en société et me faisait ainsi tomber dans des abîmes glaciales d'incompréhension et de culpabilité ... le fameux tu es trop bête aimablement susurré par ma sorcière intérieure. Et d'autre part parce qu'écouter une radio de voix qui parlent plutôt que de voix qui chantent, c'était se prendre le quotidien de ce monde et ses vagues en pleine tronche ...

 

Déconvenue universitaire plus rencontres folles, joies solaires, décisions grisantes et discussions électrisantes ont fait de moi un être prêt à écouter FRANCE CULTURE...
Je me suis donc énervée sous la douche contre Alain Finkielkraut, ait grincé des dents dans ma voiture en entendant Camus, souris en savourant Aragon et Baudelaire magnifiquement lus, ait vigoureusement exprimé mon accord, au rayon fruits et légumes du supermarché de Marguerittes, avec les idées de l'architecte Patrick Bouchain sur l'urbanisme, la société et le politique, et enfin détesté de toute mon âme ce Charlatan de Sigmund Freud ...
Freud. Il est mon épouvantail. Et l'animosité active que je nourris à l'égard de l' envahissant papi et des ses théories a éveillé en moi le désir d'en savoir plus sur lui ... avec probablement pour projet de lui remonter les bretelles. dans un futur proche.. Ainsi, c'est en somnolant, tôt un matin, sur fond de voix chevrotante d'une fana-tique Freudienne que j'ai rencontré Jung.
Et depuis, j'ai ouvert l'encyclopédie paternelle, déniché dans les archives de la BBC un entretien avec l'homme dans ses dernières années, et entamé ses mémoires.

Il m'émeut. Je suis intense lorsque je l'écoute. J'ai même versé une larme! Une larme de joie. Parce qu'il me fournit des éléments, me démontre des pensées qui gravitaient dans mes parages et que j'ai ingénument fréquenté ces derniers temps .

 

L'autre homme qui s'est invité dans mes problématiques actuelles, c'est Fernando Pessoa. Et c'est à la suite d'une discussion avec mon père, qui me conseillait la lecture de ses poèmes dont il venait de faire l'achat, que j'ai ouvert l'un de ses livres. Voici la première pépite sur laquelle je suis tombée:

 


27 septembre 1934

 
 
 

" A la veille de ne jamais partir
du moins n'est-il besoin de faire sa valise
ou de jeter des plans sur le papier,
avec tout le cortège involontaire des oublis
pour le départ encore disponible du lendemain.
Le seul travail, c'est de ne rien faire
à la veille de ne jamais partir.
Quel grand repos de n'avoir même pas de quoi avoir à se reposer!
Grande tranquillité, pour qui ne sait même pas hausser les épaules
devant tout cela, d'avoir pensé le tout
et d'avoir de propos délibéré atteint le rien.
Grande joie de n'avoir pas besoin d'être joyeux,
ainsi qu'une occasion retournée à l'envers.
Que de fois il m'advient de vivre
de la vie végétative de la pensée!
Tous les jours, sine linea,
repos, oui repos ...
Grande tranquilité ...
Quelle paix, après tant de voyages, physiques et psychiques!
Quel plaisir de regarder les bagages comme si l'on fixait le néant!
Sommeille, âme, sommeille!
Profite, sommeille!
Sommeille!
Il est court, le temps qui te reste! Sommeille!
C'est la veille de ne jamais partir! "

   

Fernando Pessoa, Le Gardeur de troupeaux et autres poèmes d'Alberto Caeiro avec Poésies d'Alvaro de Campos, traduction Armand Guibert, Gallimard (Collection "Poésie"), Paris, 1968, p 230-231
 
 
A la veille de ne jamais partir, je vous laisse mes amis, vous qui faites les cent pas dans ma tête, en attendant vos pensées, vos songes, vos flux.
Amitiés.
 
S.


Publicité
Publicité
Commentaires
A demi mondes
Publicité
Archives
Publicité